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Le projet de Victoria est issu d'un atelier de créativité à Medina de Pomar.
Je n'ai que quelques images, ici dessous, mais surtout ce souvenir.
Un été, Victoria, 21 ans,une jeune étasunienne artiste dans l'âme aimerait apprendre à peindre, je fais des ateliers pour un groupe étranger venu s'immerger en Espagne pour apprendre la langue. Nous avons quatre heures pour cela : un atelier de créativité individuel. Bien peu de temps ...
Après quelques pratiques d'observation, pour entraîner l'oeil à REGARDER, la main à TRADUIRE, rudiments de perspective, mise en page, composition, couleurs, textures, je ne pourrai pas lui apprendre à peindre en si peu de temps.
Finalement c'est le sujet et son envie de partager quelque chose d'intime qui devient le parcours créatif. Et ce n'est pas peu de chose.
Elle a vécu un traumatisme terrible: seule survivante d'un massacre à l'arme à feu dans un collège il y a 4 ans, elle a perdu son fiancé, et tous ses amis. Souffrant de Syndrome de Stress Post Traumatique, elle a retrouvé la paix grâce à la création artistique, elle crée des bijoux en inclusion de résine, et la couture...La chance d'être en vie est pour elle un cadeau permanent d'une profondeur que peu de jeunes gens connaissent, elle a frôlé la mort et son coeur est creux, assez pour se remplir de tout le bonheur possible.
"Qu'est-ce-que tu veux partager avec le public ? " je lui demande
- L'amour est un refuge, en toi, où tu peux trouver la paix, partout il existe, puisqu'il est dans ton coeur...me répond-elle.
- Joli ! Alors, quelle couleurs ça a, quelle forme, comment tu pourrais le dessiner ? Montre le moi ...
Sur une feuille A4 : 15cm x 18cm, elle esquisse un brouillon à l'aquarelle : au centre, un cercle, des rayons, des couleurs lumineuses, abstrait. Quelques feuilles sèches et un petit escargot...
- Très bien, d'accord, mais je pense que tu veux FAIRE VIVRE une expérience au public, je crois ?
- Oui
- Nous allons juste changer l'échelle de ton croquis, au lieu de centimètres, ce seront des mètres, et TU vas y participer. Amener les gens à VIVRE un vrai parcours, pour aller de leur vie quotidienne jusqu'à cet endroit dont tu parles...Une mise en espace et en scène. Une salle de réunion associative de 15 m de long sur 12 m de large servira pour concrétiser les quatre dimensions. Lumière, espace-temps, position des gens, effets psycho-moteurs par un protocole, un rituel. Son, odeur, ambiance lumineuse, et toi, au centre : la lumière que tu portes..."
Nous avions deux jours et bien peu de matériel pour tout cela...Voilà sa première oeuvre, où quelques petits miracles ont eu lieu. Il nous fallait attendre le coucher du soleil pour que la lumière passe au travers des gélatines et éclairent l'espace avec des ombres portées mettant en relief l'arrière scène...Qu'un soleil orange s'allume quelques instants avant la nuit.
Et nous voilà à créer un passage : la porte avec ses gouttes arc-en-ciel...Lumière et sensation, son à peine perceptible ! Et de reproduire sur le sol en proportion 1/100 son petit croquis devenu plan de scène.
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| Côté Cour, on s'assoit entouré de fleurs |
Les gens traversent le rideau qui cliquette légèrement. Au centre de la pièce Victoria est assise en tailleur, habillée de bleu, orange, vert et rouge, sur un tapis brodé de fleurs. Elle est concentrée, calme. Une image. L'idée c'est de créer un arc en ciel, ses couleurs partout : on a une lumière solaire.
Je distribue à chacun une bougie à l'entrée, les oriente vers le côté Jardin, debout. Pour sentir l'attente désagréable, le temps d'observer et s'imprégner de la mise en scène.
Chantier en cours
Un seul gong résonne longuement, une fois tout le monde rentré et silencieux (ce qui est rare en Espagne !), elle se lève allume une bougie, puis va la placer sur la tablette miroir, une douce lumière s'allume et se dédouble, elle s'assoit dans le parterre de fleurs, sans commentaire...
Je passe un briquet doré à l'un des spectateurs, pour qu'il allume sa bougie et, naturellement l'invite à aller la poser près de celle de Victoria, puis il s'assoit sur une chaise, après avoir enjambé les branches, Victoria lui donne une fleur. Il a passé le briquet à son voisin, qui allume sa bougie, s'assoit, etc. ainsi, chacun a donné la flamme et joué le jeu, naturellement, en paix, la lumière intérieure grandit au fur et à mesure que le jour disparaît.
La nuit est tombée, les petites flammes éclairent doucement tout l'espace, il fait doux. De vieilles, très vieilles amies sont venues en chaise roulante. Elle sourient, et font passer leur bougie à un autre pour qu'il aille la poser au coeur...
Le mot est passé dans la rue, un jeune homme arrive et demande :
- Moi aussi je peux mettre une bougie ? Il paraît qu'il se passe quelque chose !
Cela dure vingt minutes, pas plus, mais le temps s'est arrêté. Calme, paix, cela rayonne. Jamais on n'avait vu à Medina de Pomar cette salle moyenâgeuse aussi chaleureuse, sans électricité.
Les vingt personnes présentes petit à petit s'égaillent en ressortant, cliquettent les larmes arc-en-ciel devenues flammèches étincelantes, dans l'obscurité dorée, vers le petit buffet dans une autre pièce. Des tisanes et des verres de vin sont servis, on papote...Victoria est, comme toute jeune artiste, déçue de sa prestation : j'ai mal fait ça, il a manqué ci...etc. Et, là un petit miracle.
Yolanda la doyenne de 84 ans s'approche d'elle, lui prend les mains pour la remercier de ce beau moment, et s'exclame :
- Pero tienes la manos frias, mi hija ! (Mais? ...tu as les mains froide ma fille !), moi quand j'étais petite, mon grand-père me réchauffait les mains comme ça" dit-elle en les lui frottant doucement...
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